Discours de Michel Amiel, Vice-président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône

Transcription établie à partir de la bande son.
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Pour le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, Monsieur Michel Amiel

Vice-président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône

Délégué à la prévention sanitaire et à la PMI, chargé de la Prévention Spécialisée

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

Permettez-moi d’abord d’excuser le Président GUERINI de ne pas pouvoir être parmi vous aujourd’hui, suite à un emploi du temps ô combien chargé. Je m’efforcerai de mon mieux de le représenter avec mes collègues, Lisette NARDUCCI, René OLMETA, Denis ROSSI que j’ai aperçus tout à l’heure dans la salle. Je vais essayer de ne pas être trop, trop long mais peut être de faire passer quelques points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Et tout d’abord bien sûr, quelques remerciements. Remerciements à Jean SUZZONI, le président de l’addap13. J’ai fait mon début en politique au Conseil Général avec lui et je me rappelle une nuit compliquée à Septèmes-les-Vallons dans un foyer de l’enfance où il se passait des choses et j’avoue que votre expérience et votre présence aux côtés du docteur CHAUDOREILLE à l’époque m’avait particulièrement rassuré.

René DUBOIS bien sûr mais nous le connaissons depuis si longtemps. Tout d’abord parce que vous habitez les Pennes Mirabeau et puis parce que nos préoccupations sont souvent communes par des biais différents et je pense bien sûr, à votre épouse au centre social de la Gavotte.

Un mot et une pensée pour Roland MECZ qui nous a quittés et qui nous a précédés.

Et puis un remerciement que je vais qualifier d’appuyé à Yves GROGNOU qui est le directeur de l’addap13, pour l’accueil qu’il m’a toujours fait lorsque j’ai eu il y a trois ans cette délégation et tout ce qu’il a pu m’apprendre par rapport à un métier que je connais forcément un peu en tant que médecin et forcément homme de terrain. Le guide qu’il a été dans des moments parfois difficiles de négociation, d’articulation de la loi ou plutôt des deux lois du 5 mars 2007.

Yves, je te remercie de ton humanisme et de la façon dont à travers ton sens de l’éthique et de la déontologie, tu as toujours su éviter les écueils qui pouvaient faire tomber soit dans un angélisme soit dans un tournant sécuritaire trop dur et trop fort comme le rappelait le président SUZZONI.

Mais je crois que mes remerciements les plus appuyés, si vous le permettez iront d’abord aux jeunes. Aux jeunes dont avec tous les éducateurs vous vous occupez car à un moment où on traverse une période quand même difficile, je crois qu’il faut rappeler qu’une société qui a peur de sa jeunesse est une société qui a peur d’elle-même et une société qui conduit forcément au repli sur soi.

Donc merci à tous les jeunes quels qu’ils soient ceux, qui descendent dans la rue et ceux qui n’y descendent pas [1], pour tout le dynamisme que vous pouvez apporter parce que bien entendu vous êtes la France de demain, soyez-en remerciés.

Alors très rapidement, un petit mot d’histoire. Je ne vais pas faire l’histoire de la prévention spécialisée, vous le feriez tellement mieux que moi, mais je voudrais quand même replacer cela dans le contexte qui nous a amenés à cette journée d’aujourd’hui et partir bien sûr des ordonnances de 1945, de la libération. Il faut le faire, ne serait-ce que parce que aujourd’hui‘hui elles sont parfois, souvent, remises en question et qu’on ne peut pas aborder de la même façon la dimension pénale d’un jeune et d’un adulte. Nous ouvrions hier avec Françoise GONNET un colloque sur la psychiatrie et la justice. Bien entendu le principe de précaution qui guide souvent, trop souvent, nos actions d’aujourd’hui ne doivent pas nous faire oublier qu’un jeune est un être humain en construction qui ne doit pas être traité comme quelqu’un dont la position psychologique est « définitivement  » figée. Je me devais de rappeler cette notion qui me parait tout à fait capitale.

Je reviens donc à cette époque d’il y a 60 ans, de l’après-guerre. La délinquance, on la traitait comme il se devait avec évidement probablement plus de dureté qu’aujourd’hui. Il y avait la peine de mort et puis il y a eu les fameuses 30 glorieuses, il y a eu cette période, vous savez qu’on appelait les « blousons noirs » c’était dans les années 50, été 1959 très exactement.
Un roman célèbre à l’époque « Chien perdu sans collier », ce sont des auteurs qu’on a un peu oubliés mais c’était plutôt sympathique ce qu’ils écrivaient.

Et c’est au début des années 70, que finalement le problème de la délinquance et de sa prévention et en particulier celle des jeunes est devenu un véritable enjeu politique. Aujourd’hui on a parfois l’impression qu’il n’y a plus que cela mais cela commençait à devenir un enjeu politique, alors je rappelle que cela a commencé avec le rapport Peyrefitte dans les années 70, après il y a eu le rapport BONNEMAISON, droite, gauche, bref les hommes politiques de quelque bord qu’ils soient, commençaient à se poser des questions sur ces choses là et à les traiter politiquement.

Et puis il y a eu le choc pétrolier en 1973 et l’apparition d’une misère sociale, d’une fracture sociale avec des choix parfois discutables en matière urbanistique en particulier, les cités. Elle sont parfois devenues très vite des lieux de difficulté, des lieux de désespérance et c’est là que sont apparues les associations qui ont précédé l’addap13 et la prévention spécialisée. Vous rappeliez tout à l’heure, Président, le décret ou l’arrêté, je confonds toujours les deux (je ne suis pas juriste), qui a été l’acte fondateur de la prévention spécialisée, et la suite on la connait un petit peu.

Alors je fais un petit peu un saut dans l’histoire maintenant mais je ne peux pas passer sous silence la loi du 5 mars 2007 ou plutôt les deux lois : celle qui désigne le Président du Conseil Général comme chef de file de la protection de l’enfance et celle qui désigne le Maire comme chef de file de la prévention de la délinquance, leur articulation et tous les débats parfois houleux qui ont eu lieu à l’assemblée nationale car cette articulation n’était peut être pas forcément simple.

Alors à ce sujet, et sans être trop long parce que je sais que le temps passe, je voudrais rappeler quand même quelques points qui me paraissent fondamentaux et un en particulier.

C’est le rattachement de la prévention spécialisée à l’aide sociale à l’enfance. Cela va de soi mais cela va mieux en le disant. La prévention spécialisée c’est d’abord de la protection de l’enfance.

Je fais partie des maires qui ont participé de ce collectif, qui ont essayé de réfléchir et Yves encore une fois merci de l’aide que tu nous as apportée parce que à un moment donné il risquait d’y avoir une dérive de sécurisation. Je voudrais rappeler que le maire que je suis et je pense que la plupart de mes collègues pensent la même chose, nous ne sommes ni des juges ni des shérifs et les éducateurs spécialisés ne sont ni des mouchards ni des balances.

Une fois posés ces points, on peut travailler ensemble mais l’éducateur spécialisé, et vous êtes nombreux dans cette salle, ne doit pas détricoter le climat de confiance sur lequel vous travaillez dans la rue, sur lequel vous approchez les jeunes même s’il n’est pas impensable de vous assoir à la même table qu’un maire ou que des représentants de la justice. Chacun a sa place et le secret partagé, partageons-le avec parcimonie.

Voilà ce que je voulais dire et la crise est passée par là, et je parle maintenant de celle de 2008. C’est une crise financière d’abord, suivie, aujourd’hui on s’en rend bien compte, d’une crise économique, d’une crise sociale et aussi d’une crise morale.

On ne peut pas échafauder une politique de prévention ni même une politique d’ailleurs de répression sans qu’il y ait un solide socle philosophique, une vision de la vie, une vision de la société qui permette d’aller plus loin et je lisais là autour de moi sur des banderoles un certain nombre de citations qui me paraissent très justes.

Alors permettez-moi, tant pis si on dit que c’est ma minute de pédantisme, d’en apporter une de plus, je cite Lévinas « dès lors qu’autrui me regarde j’en suis responsable »

Vous savez c’est toute cette dialectique chez Emmanuel LEVINAS cette philosophie de l’autre, l’autre qui nous renvoie à nous-mêmes.

Hier on parlait du fou parce qu’il ne faut pas avoir peur des mots et si le fou fait peur c’est qu’il renvoie bien souvent à cette parcelle de folie qu’il y a en chacun d’entre nous.

Donc LEVINAS montre qu’il faut penser à partir de la rencontre avec l’autre qui, se révélant à moi d’abord comme visage, m’ordonne de me soucier de lui.

Merci de votre attention.

[1] la journée se déroule le 20 octobre 2010, et il y a des manifestations sur la réforme des retraites