Se donner à voir pour mieux se faire entendre

Juan Martin (El Caracol – Mexique)
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Vouloir communiquer

- Communiquer est une volonté qui suppose 2 parties à l’œuvre : l’une qui décide de partager et l’autre qui décide d’écouter.
Dans la rue c’est quelque chose de cet ordre qui arrive : une décision de communiquer.
La communication passe aussi par le regard : quand on regarde on s’approprie.
On peut se donner à voir pour mieux se faire entendre aussi.

-  Il faut toujours se demander si on est en train de communiquer et avec qui on veut communiquer.
Car on peut communiquer même sans parler la même langue.
La vraie question à se poser pour travailler avec les populations des rues, c’est se demander de quelle langue elles ont besoin.

- Je fais partie d’une toute petite organisation, dans la grande ville de Mexico.
Nous avons très peu d’argent, ce qui nous garantit une autonomie totale pour être auprès des gens de la rue.
Nous nous occupons depuis 15 ans d’enfants et de jeunes qui vivent dans la rue et dès le départ nous savions que la communication, c’était fondamental.

- La logique des différentes étapes du travail de rue est la suivante

  • Regarder, et dégager des constats
  • Penser, et dégager des propositions
  • Communiquer et dégager des pratiques sociales
    Au bout de cette chaîne on trouve les politiques publiques

Les travailleurs de rue doivent bien faire la différence entre ce qu’ils peuvent changer et ce qui n’est pas de leur ressort.
Rester sur notre niveau d’action a déjà des conséquences.

Notre regard sur les population des rues

- La représentation sociale que nous avons produit une image mentale qui à son tour engendre un type de relation.

- Au Mexique, l’utilisation de l’espace public date d’une soixantaine années.

  • La grande évolution a été de reconnaître ces personnes qui vivent dans la rue comme des sujets ayant un impact sur leur milieu.
    Cette population s’est construit une identité, une culture et ses demandes sont très claires.
  • Pour parvenir à ce regard-là, nous sommes passés par beaucoup de débats que nous avons partagés avec la populations dont nous nous occupons.

- Nous cherchons à réfléchir avec d’autres sur ces questions et nous trouvons des points de rencontre :

  • on parle de population sans toit en Espagne
  • de sans domicile fixe en France
  • d’enfants des rues en Amérique latine

- Prendre en compte la culture de la rue permet de comprendre pourquoi cette population n’accepte pas les dispositifs qui sont mis en place pour l’aider.

  • Ce n’est pas la population qui se montre ingrate, ce sont nos dispositifs qui ne sont pas adaptés.
  • Car nous ne reconnaissons pas le capital culturel de cette population.
    Nous ne les écoutonspas
    , la façon dont nous la regardons est stigmatisante.
    En réalité nous ne communiquons pas avec elle.

Notre travail avec les populations des rues

Nos éducateurs s’occupent d’enfants et de jeunes qui font partie du projet que nous menons avec eux.
Nous travaillons sur un mode très ludique et en laissant une grande place au conflit.

  • Depuis 5 ans nous avons un programme de radio : les enfants avec qui nous travaillons apprennent des choses tout en s’amusant.
    Et nous produisons ainsi des outils de communication que nous utilisons : car les gens qui participent partent de leur réalité du point de vue des droits.
  • Nous avons également une radio sur Internet.
    Nous avons réalisé un programme sur les droits des enfants, un autre sur la diversité familiale et le prochain sera consacré à l’alimentation.
  • Nous distribuons aussi du matériel graphique.

Vous pouvez aller voir nos réalisations sur notre site Internet.

- Il y a une approche dite « de la pomme pourrie », qui consiste à séparer et exclure ce qui se trouve en dehors de la norme.

  • Il faut toujours veiller à ce que notre intervention ne colle pas à ce concept.
    Car en niant la diversité et les capacités propres de la population, il produit une forme de discrimination sociale.
  • Nous la qualifions de « discrimination tutélaire » : on ne reconnaît pas, on décide pour les gens, parce qu’ils en sont incapables. Et on se sent légitimés.

En Europe, il y a beaucoup d’aides possibles et beaucoup d’argent mis dans le projet social en même temps les processus sont fragmentés et empêchent la construction du sujet.

Vivre dans le conflit

- En réfléchissant sur l’exclusion sociale nous dépassons la simple notion de pauvreté.
Ces phénomènes sont liés à la distribution des richesses : emploi, éducation, logement, etc.

- Les tendances qui se dessinent sont les suivantes

  • Institutionnalisation des populations de la rue
  • Pratiques qui paraissent positives mais se révèlent en fait discriminatoires
  • « Nettoyage social »
    Qui se révèle à l’occasion de rénovations urbaines dont on profite pour exclure de l’espace public les populations des rues.

- Nous interpellons les pouvoirs publics sur des cas concrets : par exemple si un jeune meurt dans la rue, nous développons l’idée que l’Etat a failli à sa mission de protection.

  • Nous dénonçons beaucoup et nous commençons à nouer des alliances stratégiques.
    Nous travaillons avec la commission fédérale des droits de l’homme sur un diagnostic sur les populations de la rue.
  • Le conflit est donc ouvert : nous avons à inscrire ces questions dans l’agenda des politiques publiques.
    C’est un engagement pris envers les populations de la rue.

- Les éducateurs de rue sont face à un défi : vont-ils répondre à l’attente de la population ou à celle de l’administration ?

  • Se faire complice, ou créer une rupture ?
  • Il faut sauter dans l’inconnu, l’humanité s’est construite à travers les conflits.
    Nous vous engageons à vivre vous aussi à travers des conflits.

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