« La justice est la cible et le moteur du néolibéralisme » : Entretien avec A. Garapon

10/9 – 763 – ASH 03/12/10 – p. 34-35
:) :)
Où l’on parle de symbole où l’on propose une lecture forte mais accessible de la rupture opérée par le néolibéralisme. Voici un entretien venu d’une autre monde que le nôtre mais qui peut donner des clefs sur ce que nous vivons, ce que nous ressentons... comment dire nous avons aimé voilà.

Antoine Garapon est Docteur en droit et ancien juge des enfants

Il vient de publier chez Odile Jacob

La raison du moindre Etat. Le néolibéralisme et la justice

- Le droit est un des moteurs du libéralisme et c’est aussi une cible : rationalisation budgétaire.

La loi ne serait donc plus qu’une règle du jeu vidée de sa charge symbolique...
- La garde à vue est un bon exemple : politique du chiffre, on induit l’idée que cela signifie davantage de sécurité

  • alors que certaines affaires devraient être traitées en proximité...
  • résultat négatif en terme de paix sociale et de médiation...

- Le « néolibéralisme est une nouvelle manière d’organiser la coexistence humaine, de gouverner les gens par leur liberté et non plus par une contrainte externe »

  • Proposer des choix « en tablant sur le fait que les gens vont être rationnels »
  • comme si la société n’était qu’une somme d’intérêts individuels
  • mais « fait l’impasse sur la démocratie, sur la dimension collective (...)
  • nous en sommes tous, malgré nous, les suppôts (...) on peut appliquer ce modèle à tous les secteurs de la vie collective, personnelle, voire intime »

- «  Pas tout mauvais »

  • bracelet électronique ou castration chimique visent une souffrance moindre (et des économies) ;
  • mais avec les peines plancher la personnalisation de la peine n’est plus possible.

Comment la justice néolibérale place-t-elle la victime au cœur du processus judiciaire ?
- « Plus de principe transcendant ou moral reconnu par tous, le mal ne peut se lire que dans la souffrance infligée à autrui et non dans la transgression d’un interdit » :

  • les victimes détiennent le droit d’accusation » ; pourquoi pas ?
  • Mais « affaiblit la dimension structurante de l’interdit commun (...)
  • et nous ne sommes pas tous égaux devant la loi pénale et la transaction »...

La finalité de la peine serait désormais surtout préventive. ????
- «  Inversion majeure. On cherche moins à punir un fait passé pour le réprouver qu’à prévenir sa récidive. (...)

  • la prévention a ainsi changé de signification, elle ne tend plus à comprendre les individus (...)se contente d’évaluer les risques  ».

Érosion du caractère symbolique des fonctions judiciaires...
- « Dans l’infraction à la loi il y a quelque chose de l’ordre du symbole (...)

  • le néolibéralisme opère trois mouvements simultanés : dépolitisation, déshumanisation et désymbolisation »

- On veut ramener les magistrats ou travailleurs sociaux à leur rapport coût / efficacité.. mais comment faire ?

  • Jugements ou actes éducatifs ne produiront des effets que bien longtemps après.

Sur quelles bases édifier le nouvel humanisme pénal que vous souhaitez ?
- S’accorder sur les acquis de ce système et « retrouver l’homme (...)

  • Rappeler que personne n’est réductible à sa dimension comptable ni à ses déterminants génétiques.
  • Le rôle de l’institution, la justice comme la prison, doit être de pousser les individus au-delà d’eux-mêmes. »

- A. Garapon – Ed. Odile Jacob – 23,90 €