Les pauvres préfèrent la banlieue
Entretien avec M. Liebig, ES, CSE en prévention spécialisée dans le 93. (p. 42-43)
Les habitants des quartiers sensibles, notamment les jeunes, seraient perçus comme autrefois les peuples colonisés…
- Le regard que l’on porte sur eux, et que portent aussi les travailleurs sociaux,
- est « très souvent pollué par une analyse ethnologique à la petite semaine » ; on ethnicise leur comportement.
Les médias n’échappent pas à cette règle…
- On attend qu’il ritualisent les événements « comme le ferait le bon sauvage à la saison des pluies » émeutes de 2005…
- et on crée de la tension.
On les réduit à quelques stéréotypes ?
- Quelques jeunes que l’on repère dès l’école et qu’il suffirait de chasser pour que tout aille mieux.
- Mais bien sûr cela ne fonctionne pas ainsi ; et « on ne leur offre que très peu de choix »
La violence ne correspond-elle pas à une réalité ?
- « Les chiffres montrent une misère grandissante » et bien sûr il y a de la délinquance.
- « Mais ce qui m’intéresse, c’est le regard que l’on porte sur cette violence », on l’interprète.
- Tout le monde est persuadé de la réalité de ce schéma, « c’est bien pire »
Certains affirment que les ados ont pris le pouvoir dans les quartiers.
- « Éducateur depuis plus de 30 ans, ça je ne l’ai jamais vu. »
- On se sent agressé dès qu’on voit ces jeunes et parfois ils « surjouent ce rôle ».
Le « deal » est-ce aussi une construction ?
- Non il existe et c’est une « économie de survie ».
Vous êtes très critiques sur la visons des femmes en banlieue…
- « Ce sont elles qui s’en sortent le mieux (…) les voir comme des victimes est une énorme erreur.
- « Le grand frère qui interdit à sa sœur de sortir (…) joue surtout un jeu social » il ne veut pas mettre en danger sa propre image.
- Et à l’extérieur ils n’obéissent plus à ces règles.
Ces quartiers ont-ils un avenir ?
- « J’en viens à me demander si les politiques (…) n’ont pas décidé d’abandonner ces quartiers (…) autant les sacrifier en les désignant comme l’ennemi intérieur »
- L’école n’est plus un marqueur de réussite sociale, les jeunes le savent, de plus en plus d’abandons scolaires volontaires : cette désespérance est désespérante pour nous.
Quel peut être le rôle d’un éducateur de prévention ?
- Éviter la « guerre sociale » ;
- le quartier n’est-il pas le seul lieu où exister pour ces jeunes ? mais penser ainsi c’est « entériner l’existence d’une société coupée en deux »
E. Liebig – Ed. Michalon – 192 p. – 16 €
- quelques infos sur le site de l’Editeur
La loi du ghetto. Enquête dans les banlieues françaises
L’auteur est journaliste au Monde : « la situation dans les quartiers n’a jamais cessé de se dégrader depuis 20 ans »
- Travail d’enquête : interviews… pour donner à voir une réalité toujours complexe.
- « Bizness » de survie, frontières invisibles, prise de pouvoir des quartiers par les jeunes et résignations des adultes…. souffrance sociale.
- « Inefficacité de la réponse policière et judiciaire (…) grande faiblesse de la politique de la ville » :
- il faut parier sur les habitants eux-mêmes.
Luc Bronner – Ed. Calmann-Lévy – 17 €