Balises et enjeux de définition du travail de rue : de la proximité au juste équilibre.

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Annie Fontaine (Attruq – Québec)

Le défi de la proximité

- La proximité est un concept intéressant puisque c’est « l’aller vers » qui nous réunit tous.

-  Proximité exprime le fait d’être proche mais de fait intègre aussi la notion de distance en induisant l’espace entre les deux points que l’on rapproche.
Pour être proche, il faut négocier la bonne distance avec les publics.
C’est là le vrai défi de la proximité, qui recoupe différents aspects.

  • Proximité géographique : jusqu’où va-t-on, se limite-t-on à l’espace public ?
  • Proximité culturelle : s’adapter aux valeurs, aux codes en présence.
  • Proximité méthodologique : pour établir des passerelles entre la société civile et des populations marginalisées.
  • Proximité / distance politiques : car c’est un geste politique de s’introduire dans le milieu des gens. Est-ce une visée sécuritaire, est-ce pour s’ingérer ou pour mieux adapter l’intervention aux besoins ?

- Le contexte dans lequel nous intervenons influence notre pratique :

  • L’enjeu de la négociation culturelle varie selon les pays, voire selon les quartiers. Chaque culture se construit à travers la négociation d’un univers de sens distinguant entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
  • Le mandat varie selon les institutions dans lesquelles nous travaillons, induisant des pratiques différentes de la proximité.

En ce sens on ne peut donner une définition du travail du rue car elle tuerait la créativité nécessaire à l’approche qui y est mise en œuvre pour s’adapter sans arrêt au public.
Le mouvement est constitutif du travail de rue.

La place du travail de rue dans l’ensemble des interventions sociales

- Au Québec nous avons élaboré une grille qui s’organise autour de 2 axes en tension.

  • L’un va des services sociaux marginaux aux services sociaux institués
  • l’autre d’une logique de propension (actions émergentes) à une logique instrumentale (aides attribuées en fonction de cibles précises, de commandes spécifiques).

- Le concept de proximité est opérationnel pour aider à comprendre les passerelles entre ces différentes pratiques.

- Et la grille rend compte de la grande diversité du travail de rue.
Par ordre décroissant on le décrira sous les quatre formes suivantes :

  • Près des services sociaux marginaux on le retrouve sous forme d’actions d’accompagnement et de services dispensés de façon informelle (échanges de seringues par ex.),
  • Plus près des services institués, on le retrouve plutôt
    • sous la forme que nous appelons « travail de milieu », (actions et projets alternatifs de socialisation en amont ou en aval des ruptures sociales)
    • et enfin il peut revêtir la forme d’un encadrement souple dans un système « d’intervention ciblée » (amener les personnes à respecter leur cadre de vie par ex.).

Si l’on s’en tient au concept de proximité, c’est le travail de rue qui le développe le mieux. Il est au plus près des personnes et des réalités qu’elles vivent.

Modélisation de la mise en place du travail de rue

  1. adaptation dans le milieu (durée variable).
    On explore, on s’imprègne. Avec l’impression de ne servir à rien dans cette première phase néanmoins indispensable.
  2. insertion par l’interaction avec les personnes
    Les gens commencent à poser des questions : c’est le début de la négociation de la présence dans leur espace de vie.
  3. syntonisation
    On créée un univers d’expériences et de significations partagées. On apprend là à connaître les besoins et les aspirations du public.
  4. mise en œuvre de l’intervention
    Grâce à toute cette énergie dépensée en amont, l’action épouse à présent la configuration du territoire.

C’est ainsi que l’on peut jouer le rôle de médiateurs, de réconciliateurs : parce qu’on est vraiment très insérés.

- Pour maîtriser la dialectique de la proximité, il faut naviguer entre deux risques :

  • celui d’être trop près et de ressembler,
  • et celui de se maintenir trop éloigné.
    Entretenir une distance est nécessaire pour garder une marge de manœuvre.
    Pour maintenir une position de tiers, il faut être capable de tabler sur sa propre identité.
    Etre proche sans être assimilé
    .

De l’identité à l’altérité en passant par la négociation de l’espace de la rue, c’est ainsi que l’on exerce le travail de rue, par un mouvement perpétuel.

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